Reproduction et élevage parental des Discus sauvages, troisième partie
Introduction
A l'heure actuelle la reproduction de spécimens sauvages est encore réputée difficile mais une fois le cap du frai passé les étapes suivantes se déroulent mieux que chez la plupart des Discus hybrides: les sauvages savent dès leurs premiers ébats que les grappes d'oeufs qu'ils ont pondues et fécondées vont donner la vie à leur descendance et qu'il est donc interdit de les confondre avec du caviar premier choix.
La maintenance de ces Discus telle que la décrivent les revues et livres spécialisés est basée en grande partie sur des indications concernant les paramètres physico-chimiques de l'eau (pour du Discus brun: pH= aux alentours de 6, GH et KH bas) mais également sur de gros changements d'eau hebdomadaires nécessaires à une bonne qualité de l'eau.
En principe l'eau destinée aux changements est soit de l'eau osmosée mélangée à de l'eau de conduite, soit de l'eau osmosée reminéralisée aux sels spéciaux pour Discus. Ces deux techniques sont mises en oeuvre dans des récipients en matière neutre de volumes variables (aquarium, poubelle plastique, etc) munis d'un thermoplongeur et d'une pompe de brassage.
L'eau ainsi brassée et chauffée aux alentours de 30° peut ensuite être utilisée pour le renouvellement de l'eau de l'aquarium contenant nos Discus.
Une fois 20 à 30% du volume du bac changé les GH et KH de l'eau de l'aquarium sont toujours identiques. Quant au pH, faute de matières humiques dans les récipients de préparation il a perdu de son acidité et se retrouve maintenant dans la zone neutre.
Or les Discus sauvages frayent en eau acide, mon expérience est basée sur des Discus brun et bleu: Symphysodon aequifasciatus Axelrodi "Rio Uatuma" âgés d'environ 5 ans et maintenus en captivité depuis 3 années.
Les fréquents changements d'eau neutre qu'ils subissent ne les incitent donc pas à frayer.
Chez moi c'est un accident domestique ayant immobilisé ma main gauche pendant plus d'un mois qui a déclenché la première ponte.
En effet les changements d'eau hebdomadaires n'ont pu être effectués comme il se doit et le pH (tamponné par 2 paquets de tourbe installés dans la décante) a commencé à chuter pour se stabiliser aux alentours de 4,5 - 5.
Et là, le miracle s'est produit:
Les oeufs ont éclos et les larves ont atteint la nage libre, ensuite les jeunes se sont égarés dans les Vallisneria sans jamais retrouver leurs parents.
Pour obtenir une reproduction réussie la seule solution était d'isoler le couple.
De la reproduction à l'élevage parental
Je tiens à préciser que pour ne pas perturber les poissons j'ai préféré séparer le bac communautaire en deux parties égales (environ 175 l d'eau) à l'aide d'une mousse bleue plutôt que de l'installer dans une cuve de repro:
Le décanteur étant muni de 2 pompes à eau de 1 100 l/h j'ai pu allonger à l'aide d'un tuyau, la sortie de l'une d'elles jusqu'à la partie droite du bac et ainsi filtrer les deux compartiments.
La partie gauche contenait un autre couple de Discus sauvages et un banc d'une trentaine de Corydoras sterbai. La partie droite quant à elle hébergeait le couple ayant déjà frayé.
Les prémices de la reproduction
Le couple une fois isolé a perdu ses repères et stresse énormément (le proprio aussi). Il faudra attendre 21 jours pour que les deux poissons se sentent de nouveau à l'aise et commence à regarder le cône de ponte d'un oeil intéressé.
A ce moment les paramètres de l'eau du bac sont:
- pH = 4,5
- GH = 4
- KH = 0
- NO3 = 60 mg/l ( taux assez élevé dû à l'absence de changements d'eau depuis plus d'un mois)
- Température = 29°
Je n'ai pas mesuré la conductivité faute de conductivimètre.
Les poissons regardent fixement le cône de ponte, commencent à le nettoyer à grands renforts de coups de gueules tout en vibrant et en se frôlant mutuellement. Les organes génitaux apparaissent:
La photo ci dessus montre le spermiducte du mâle (trait rouge)
La reproduction
Puis la femelle entame quelques passages sur le cône pour évaluer l'angle de ponte. Elle lâche ensuite ses premiers chapelets d'oeufs:
La ponte
La fécondation
Les oeufs
Le frai terminé le couple entreprend une garde assidue: l'un des deux parents surveille les oeufs tandis que l'autre monte la garde en assurant la surveillance du territoire:
La garde parentale
Les larves
La ponte est surveillée en permanence et ventilée par les parents.
Au bout d'environ trois jours et demi les oeufs font place à des larves qui, chez moi, étaient constamment prises en bouche et recrachées, au grès de l'humeur parentale, sur toutes les faces du cône de ponte et jusque sur la mousse bleue:
Les larves et leurs déplacements
Les alevins
Trois jours après leur naissance les larves s'essayent à la nage libre puis prennent leur envol tout en restant très proches des parents qui ont revêtu une robe couleur noire foncée pour mieux être repérés par leurs rejetons. Dès ces premiers instants les jeunes se nourrissent du mucus développé sur le dos des parents.
La nage libre
Au quatrième jour de la nage libre les jeunes peuvent être nourris avec des nauplies d'artémias (à raison de 6 fois par jour) en complément du nourrissage via le mucus nourricier des parents. Il est temps de sortir les éclosoirs:
Le nourrissage
Les jeunes se gavent de nauplies au point que la couleur de leurs ventres vire au rose. Consécutivement aux distributions fréquentes d'artémias la croissance des petits devient rapide, ils continuent malgré tout à picorer le mucus sécrété par leurs parents:
Au bout de quelques jours les alevins, ici âgés de 11 jours après la nage libre, commencent à comprendre que la nourriture vient également d'en haut:
La distribution de nauplies
La qualité de l'eau
Les changements d'eau restent un des éléments majeurs de la croissance des jeunes, en effet l'excès de nitrates diminue considérablement leur développement.
En bac "semi-communautaire" comme c'est le cas ici le taux de N03 peut vite atteindre une densité importante (jusqu'à 80 mg/l), il est donc impératif de les réduire par tous les moyens.
Des auxiliaires comme les plantes vertes de type Pothos (Scindapsus aureus) peuvent, grâce à leurs racines adventives mises à tremper dans le bac, ralentir le développement des nitrates. La présence de Ceratophyllum demersum (plante aquatique) joue également un rôle dans la réduction des N03.
L'idéal reste donc malgré tout les changements d'eau journaliers à raison de 20 à 30% du volume réel du bac: l'important étant d'apporter l'eau neuve doucement pour ne pas créer de choc osmotique chez les jeunes (le pH de l'eau du bac avoisine les 4,5 alors que celui de l'eau neuve est neutre).
Un exemple:
- changement de 100 litres d'eau en 5 à 10 minutes environ
- apport de la même quantité d'eau mais neuve: 2 à 3 heures par versements successifs de quelques litres tout les quart d'heure.
Scindapsus aureus
Ceratophyllum demersum (plante flottante)
L'éclairage
L'éclairage diurne n'a pas vraiment d'importance par contre la nuit il faut laisser en permanence une veilleuse allumée au dessus du bac pour que les adultes puissent garder correctement la ponte, puis les larves et ensuite les alevins.
A défaut de veilleuse on peut toujours laisser la lumière allumée (les rampes d'éclairage étant elles éteintes) dans la pièce ou se trouve le bac.
Veilleuse installée sur le bac
Le temps de la séparation
Arrivés à l'âge de 3 semaines les alevins doivent être séparés du couple pour éviter des blessures sur la peau des parents, les petits continuant à picorer le mucus sur leurs dos.
Blessure occasionnée par les jeunes à la recherche du mucus nourricier
C'est une autre étape dont je parlerai dans le prochain article sur "Les Discus sauvages, quatrième partie: l'élevage des jeunes"
Je tiens à remercier ma correctrice d'orthographe qui se reconnaîtra.
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